Rencontre avec Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir est philosophe, connu comme l’un des meilleurs spécialistes des religions et des sagesses asiatiques. Essayiste et sociologue, il est porteur d’une vision résolument humaniste et partage son expérience, ses convictions pour faire avancer le monde. Dans le livre Nos voies d’espérance, il insiste sur la nécessité de cultiver le discernement et ce, depuis le plus jeune âge, en enseignant l’intelligence émotionnelle aux enfants.
Pourquoi est-ce si important d’apprendre le discernement dès le plus jeune âge ?
Devant un choix, si nous n’avons pas d’éléments de connaissance, nous choisissons au hasard. Il nous faut donc un élément de savoir et un élément d’intuition qui est aussi importante que la raison.
Il est essentiel de développer chez les enfants à la fois leur propre intuition et leur raison au sens philosophique du terme. C’est-à-dire des éléments de connaissance et de savoir qui leur permettent d’avoir un bon jugement pour faire des choix de vie bons pour eux. Plus on commence jeune, plus ça marche. Il y a des écoles pilotes en Suisse où l’on enseigne la philosophie dès la maternelle et les enfants sont incroyablement réceptifs. S’ils acquièrent, jeunes, une intelligence émotionnelle qui leur permet de mieux gérer leurs émotions, ce seront des êtres humains beaucoup plus épanouis. Plus on leur enseigne jeune les fondements de la psychologie, de la philosophie ou de la connaissance de soi, plus les individus se transforment et deviennent des agents de transformation du monde.
Cet enseignement doit-il aussi comporter une dimension plus spirituelle ?
Bien sûr. Mais il ne s’agit pas d’enseigner une religion. On peut enseigner les fondements d’une spiritualité laïque. Et j’œuvre pour ça depuis longtemps. L’Homme n’est pas simplement un individu qui a besoin de consommer, de posséder des objets ou de profiter du confort. Tout cela est utile, mais un individu a besoin de se relier à quelque chose qui le dépasse. C’est un besoin de transcendance, de se sentir faire partie d’un tout, de fraternité. Et travailler cette dimension profonde de l’être humain, la révéler en tout cas, permet aux individus d’avoir confiance, car ils ont besoin de développer leur intériorité. C’est indispensable d’acquérir une capacité d’être en silence avec soi-même pour mieux se connaître, pour que son esprit puisse s’ouvrir à soi-même, au monde et aux autres.
Pour changer le monde, il faut commencer par se changer soi. L’autonomie au niveau de la santé est donc une clé importante…
La clé est de comprendre qu’on est vraiment les acteurs responsables de nos vies et qu’on ne guérira jamais correctement si on n’est pas soi-même conscient d’être son propre guérisseur, son propre médecin. On a besoin éventuellement d’une aide extérieure, ou d’un médicament, mais le changement vient de nous, de la qualité de relation que nous avons à nous-mêmes et au monde. Si on ne s’aime pas soi-même, si on mange n’importe quoi, si on ne prend pas soin de son corps, de son âme et de ses émotions, on va être tout le temps malade. On ira voir des médecins et rien ne changera. Car la cause profonde, c’est le mal-être, l’empoisonnement de notre corps, etc. Il est important de prendre conscience que la santé relève essentiellement de nous, du regard que nous portons sur nous-mêmes, de notre mode de vie, de notre mode alimentaire, de notre sommeil. Et c’est ce qui détermine la qualité de notre santé et rend possible notre guérison.
Quelles sont vos solutions de santé, à part le fait de prendre soin de vous ?
C’est essentiel. Quand je suis en période de stress, j’arrête. Quand j’ai trop de boulot, je stresse, je commence à mal dormir, et là je peux attraper un microbe et tomber malade. J’ai vécu ça trop souvent pour continuer. Donc je recule la sortie de tel livre, je ne fais plus telle conférence. Tant pis si je gagne un peu moins d’argent, il faut que je prenne du temps. J’ai organisé ma vie dans ce sens. Je suis privilégié, car j’ai la chance d’avoir un pied-à-terre à Paris et une maison au bord de la mer. Vivre une semaine sur deux au bord de la mer, ça vous donne une bonne santé. Et puis la nourriture est déterminante. J’ai pris des mauvaises habitudes de ma génération. À cinquante ans, je fais partie des gens qui ont mal mangé. Maintenant j’apprends à discerner : j’essaye, autant que possible, d’acheter bio et de manger moins de viande. Autant que possible, d’écouter mon corps et mon intuition pour savoir ce qui me convient vraiment ou pas. Je prends le temps de manger et pas forcément complètement à satiété. Ce sont toutes ces petites choses que j’essaye de faire – je n’y arrive pas toujours – qui permettent lentement d’améliorer la santé.