Les enfants, les grands oubliés de la santé mentale

sante mentale

En France aujourd’hui, 1,6 million d’enfants (de 0 à 17 ans) souffrent d’un trouble psychique (allant d’une tristesse ou d’une angoisse passagère à des pathologies plus graves). Or, seulement la moitié d’entre eux bénéficie d’un suivi psychologique ou psychiatrique. Manque de moyens du secteur, déficit d’informations, inégalités sociales… Alors que le gouvernement actuel a promis de faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, l’avenir reste flou pour la santé mentale des plus jeunes d’entre nous.

« Revenez dans six mois. » Voilà la réponse qu’obtiennent souvent les parents qui cherchent à faire suivre leur enfant dans un CMP-IJ (centre médico-psychologique infanto-juvénile, plutôt appelé simplement CMP, ndlr). Et cela dans le meilleur des cas. Bien souvent, il peut y avoir un an, voire deux ou trois ans d’attente. « Pour quiconque souffre de problèmes de santé mentale, plusieurs années, c’est très long. À l’échelle de la vie d’un enfant, c’est interminable« , conçoit My-Linh Tran, psychologue clinicienne dans un foyer de l’enfance géré par la ville de Paris. Les CMP, centres sectorisés mis en place dans les années 1980, composés d’une équipe pluridisciplinaire (pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, infirmiers…), ont pourtant pour vocation première de faciliter l’accès à des soins en santé mentale de proximité. Malheureusement, entre manque de moyens et demande toujours croissante, ils ne peuvent pas accueillir tout le monde.

De moins en moins de pédopsychiatres

Les besoins de soins en santé mentale ont-ils augmenté pour les enfants ou la parole s’est-elle libérée ? Il est difficile de répondre à cette question avec assurance. Mais on manque de professionnels, notamment de pédopsychiatres, dont le nombre a diminué de 34 % entre 2010 et 2022. Un rapport du Conseil de l’enfance du 13 mars 2023 affirme également qu’ »au 1er janvier 2020, 597 pédopsychiatres sont recensés, avec un âge moyen de 65 ans ». Les départs à la retraite s’enchaînent et certains CMP sont obligés de fermer faute de professionnels disponibles. Cela engendre de grandes inégalités dans la prise en charge des enfants. « En fonction de là où ils se trouvent, ils n’auront pas forcément les mêmes options. À Paris, cela reste plus favorisé qu’ailleurs en termes de soins« , confirme My-Linh Tran.

Alors, certains baissent les bras. C’est le cas de Lucie, maman d’une jeune fille de 12 ans atteinte de TSA (trouble du spectre autistique), qui a fini par se diriger vers le privé. « Ici, en Normandie, c’est un an et demi d’attente. On a donc préféré aller voir un psychologue en libéral. » Pour cela, il faut des moyens. La séance coûtant en moyenne 50 à 70 euros, à raison de plusieurs rendez-vous par mois, le budget est conséquent pour les familles. Outre le libéral ou les CMP, les parents peuvent aussi se rendre à l’hôpital pour rencontrer des professionnels comme la psychologue Julie Zajac, qui exerce à la fois à l’hôpital et dans un service de pédopsychiatrie en ambulatoire. Elle confirme que tout le monde peut y aller, même si, pour certains d’entre eux, le mot « hôpital » reste effrayant : « Le principe du public, c’est d’accueillir tout le monde, sans critère particulier. Il est vrai que, parfois, par manque de place à l’hôpital ou en CMP, on va orienter vers le libéral si la famille en a les moyens. Mais on fait le maximum pour prendre en charge tous ceux qui frappent à notre porte. Et je conseille aux parents, de toute façon, de prendre un rendez-vous avec le CMP de leur secteur, même si la date est lointaine, car des places peuvent se libérer.« 

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