Les couleurs de la vie

Le monde a la teinte qu’on lui prête selon le temps qu’il fait dans le cœur de chacun. Nous disposons de la palette, à nous de choisir les couleurs de notre monde personnel.
Le monde est gris, couleur d’une réalité figée sur les apparences qu’il contemple. Le monde est bleu, couleur du ciel quand on regarde au-delà des nuages.
Si tu crois au conte, il devient ton histoire…
Sur sa planète haut perchée suspendue dans le vide de toute rationalité, le Petit Prince s’interroge : “C’est quoi la vie ?” Sans réponse, il demande à la rose qui l’accompagne : “S’il te plaît, dessine-moi une couleur.” Gracieusement, la rose épanouit sa corolle et la lumière de l’aube apparut. “C’est ça que l’on nomme l’espoir ?” demande le Petit Prince. À ces mots, le ciel s’assombrit et le grand noir redevint le vide initial.
– C’est pour que tu comprennes, lui dit la rose, que le monde dépend de ton intention d’ouvrir ou de fermer la lumière. L’espoir, c’est bien, mais il y a beaucoup mieux. Plonge ton regard dans le vide, n’aie plus peur du noir et laisse parler le désir de ton cœur. Puis formule ton intention de concourir activement à le réaliser.
– Donc, je me laisse dire ce que j’espère de toutes mes forces ?
– Non, reprend la rose, tu t’impliques, tu fais toi-même le jeu de ton accomplissement.
– Mais en faisant quoi et comment ? Explique-moi, je ne comprends pas !
– Eh bien, choisis une couleur qui irait bien au teint de ton souhait le plus cher.
Alors, le Petit Prince se concentra autour de ce à quoi il aspirait le plus dans sa vie et, au bout d’un moment, il annonça triomphalement :
– Je veux la paix du monde et sa couleur est bleue comme un ciel d’été dans lequel irradient les rayons d’or et d’ambre doux d’un soleil de l’après-midi.
– Qu’il en soit ainsi, ponctua la rose.
C’est grâce à ce dialogue révélateur qu’en ce moment même, vous qui lisez, avez accès au plus fabuleux prodige de l’esprit. Non celui d’un enfant perdu dans ses rêves, mais celui de l’adulte que vous êtes, conscient et intelligent. La couleur du ciel de votre vie est dans l’espace infini de votre cœur avant d’éclore dans votre esprit pour aboutir à sa réalité dans votre existence.
L’épreuve de la hardiesse
Tout en nous appelle la lumière. Ceux qui vivent la nuit sont moins bien portants et moins équilibrés que ceux qui vivent le jour. C’est normal, l’être humain est un produit de la nature. Les arbres, les fleurs, les cultures et les animaux, dans leur majorité, ont comme nous besoin de soleil pour laisser la vie s’expanser.
Mais d’où vient donc cette réticence à oser regarder son propre soi au grand jour si ce n’est d’un phénomène illusoire nommé la peur. Les peurs sont souterraines, elles rampent insidieusement en laissant sur leur passage une coulée de gel glaçant nos élans de témérité. Il faut le reconnaître, nous avons souvent peur de perdre et parfois même de gagner. En laissant faire, la peur ne tarde pas à venir se coller aux parois de notre être profond jusqu’à devenir une seconde peau.
Mais la peur n’est qu’une création de l’esprit qui, si la croyance en elle lui accorde pouvoir, deviendra un poison pour la vie. Les doutes que cela puisse changer par l’action différente de votre mental, tissent la matière du voile opaque qui descend lentement sur la clarté de vos jours. Personne ne souhaite devenir aveugle et pourtant c’est en cédant à la peur que la vie s’assombrit jusqu’à ne plus laisser entrevoir que le grand trou noir de l’anxiété. Le lit de la dépression est ouvert et il est facile d’y plonger. À ce moment-là, toute tentative pour en sortir devient un combat et le courage est vu comme une épreuve que l’on peut croire insurmontable. Il est préférable d’agir avant cela, c’est-à-dire maintenant que les choses en soi ne vont pas si mal. Jouons au jeu du vent en devenant le souffle salvateur, celui qui pousse les gros nuages hors de notre espace vital. Au lieu de vivre le courage comme un effort ennemi, prenons l’épreuve de la hardiesse comme le pinceau d’un magicien qui va changer les couleurs de sa vie.
Improviser
Peut-être que tout est trop bien rangé ? À force de ne rien vouloir déplacer, l’esprit se recouvre de poussière qui neutralise la libre circulation de l’énergie harmonieuse, décidément il fait trop gris ici.
Changez tout ! N’ayez pas de scrupules à bousculer le passé. La vie, c’est du présent. Qui peut prétendre l’emprisonner dans le carcan des habitudes surannées sans en souffrir tôt ou tard ? Avec la vie, il faut savoir improviser, là est la véritable hardiesse qui ne refuse pas les rôles qui lui sont successivement proposés, mais qui sait ne pas se laisser piéger en leur reflet. À ce jeu-là, tout le monde a un profit à tirer. Être vivant, c’est être neuf à chaque instant, tout le contraire de se laisser moisir sous un fatras d’habitudes qui font mourir à petit feu sournois le peu d’enthousiasme capable de nous sauver. Sûr, nous en verrons de toutes les couleurs et nous passerons certaines fois par des jeux de lumières qui ne seront pas très éclairants. Qu’importe, c’est ainsi, mais au gré de nos expériences, nous saurons choisir le ton juste que nous voulons donner au sens de notre existence. De toute façon, la fuite est impossible et quand on croit le contraire en se réfugiant dans le déni, par exemple, on ne fait que retarder la liberté d’être.
La vie en bleu
Agrégé de philosophie, professeur et auteur de talent, Martin Steffens enseigne une philosophie pratique adaptable à tous les cas et à toutes les situations. Il montre comment traverser les épreuves en prêtant attention aux richesses cachées au sein même de l’énergie de la vie, celles que les difficultés peuvent dévoiler en nous. Mais soyez-en certains, rien ne peut se produire sans notre participation active.
Improviser, dit-il, c’est apprivoiser sa vie, c’est consentir à ne pas comprendre d’emblée pourquoi les choses arrivent ainsi, et pas autrement. Apprivoiser sa vie, poursuit-il, c’est faire face à ce quelque chose de sauvage, d’enfantin qui échappe à notre emprise.
Voilà pourquoi on a tout intérêt, quel que soit notre âge, à réserver une place sur la planète bonheur du Petit Prince, à se détendre, à lâcher-prise pour écouter la sagesse d’une rose enseigner l’art de mélanger les couleurs du monde sans a priori, sans discrimination et surtout sans amertume. Le regard neuf des enfants perçoit la beauté du monde autant que sa fragilité. La mission des adultes est d’en protéger la luminosité, voire de la restaurer quand elle a été endommagée. C’est ce qu’on appelle la participation active.
Redonner des couleurs à la vie, n’est-ce pas le plus beau projet ? Il y a mille et une façons de le faire, mais il n’y a qu’une attitude pour y arriver : percevoir dans le bleu du ciel le sourire du soleil.