Lentilles et pois chiches. Avez-vous pensé à les cultiver ?

Peu fréquentes dans nos potagers, ces deux légumineuses sont intéressantes tant pour la santé du jardinier que pour celle du jardin. Alors, faites-leur une place cette année, avec un premier semis en mars.
Des légumineuses annuelles
De la famille des Fabacées, domestiquées depuis plus de 9000 ans, elles ont su conquérir le monde progressivement et offrir des graines de couleurs diverses selon les variétés.
La lentille (Lens culinaris)
C’est une plante de de 20 à 50 cm de haut avec des tiges ramifiées et des fleurs blanches ou bleues, à corolle papilionacée typique. Elle produit des gousses courtes abritant deux graines aplaties en forme de disque légèrement bombé. En France, la production de lentilles permet au consommateur d’avoir du choix et certaines garanties de qualité : la lentille verte du Puy et la rosée de Champagne bénéficient d’une AOC (1), la lentille verte du Berry d’une IGP (1) et d’un label ; la lentille corail est vendue décortiquée ; non décortiquée elle est rouge.
(1) AOC : Appellation d’Origine Contrôlée et IGP : Indication Géographique Protégée. Dans les deux cas, le cahier des charges offre un certain nombre de garanties (par exemple : pas d’utilisation d’engrais chimiques – ou de boues de station d’épuration).
Le pois chiche (Cicer arietinum)
Emblématique de la culture méditerranéenne, il fournit les grosses graines beige clair que nous connaissons bien ; la zone de l’Inde et de l’Afghanistan consomme des graines petites et plus sombres, voire grises. Cette annuelle, assez haute et buissonnante, apprécie l’ensoleillement, des températures clémentes à élevées et elle a la capacité à résister à des températures négatives avant le stade 4-5 feuilles ; tout comme la lentille, elle produit des gousses courtes contenant 1 à 2 graines.
Des qualités nutritionnelles intéressantes
Pour une légumineuse, la lentille se cuit assez rapidement ; elle se consomme aussi très bien en graines germées. Elle a un index glycémique bas (entre 25 et 30) du fait de son taux de protéines intéressant (2) et de sa richesse en fibres (4 %) qui, par ailleurs, renforce la satiété et aide au transit. Ajoutez à cela une teneur intéressante en antioxydants, dont certains sont supposés réduire le taux de triglycérides sanguins, ainsi qu’une richesse en minéraux (potassium, phosphore, magnésium et fer) et en vitamines du groupe B, notamment B1 sous réserve de limiter la cuisson. À noter que la farine de lentille ne contient pas de gluten.
(2) En régime végétarien, il faut accompagner les lentilles de produits céréaliers ou de noix pour compenser leur pauvreté en méthionine (acide aminé indispensable soufré).
Les pois chiches présentent des qualités similaires : index glycémique faible, richesse en fibres, en protéines, vitamines et éléments minéraux. Ajoutons un effet positif sur le développement de la flore du côlon impliquée dans la protection contre le cancer colorectal.
Des qualités environnementales indéniables
Qualités importantes pour les jardiniers bio ! Ici, nous avons deux plantes dont la culture a un impact très réduit sur l’environnement et sur le climat : bien sûr, comme toutes les plantes, elles absorbent le CO2, donc du carbone. Ajoutons à cela que les lentilles et les pois chiches ne nécessitent quasiment pas d’achat d’intrants (3) comme les engrais, les produits de traitement autorisés en production bio (cuivre, lithothamne, soufre…) et que ces plantes sont peu gourmandes en eau (4). Leur bilan carbone est donc très bon. De plus, elles sont améliorantes, protègent les sols et favorisent la diversité et l’activité de la faune souterraine. Elles contribuent aussi à améliorer le bilan carbone des cultures suivantes qui trouvent un sol riche en éléments minéraux, en flore bactérienne et globalement des conditions de croissance favorables.
(3) On appelle intrants les éléments divers que l’on doit acheter pour produire quelque chose ; leur production, leur transport génèrent plus ou moins de carbone et de pollution. Il est donc intéressant de limiter leur utilisation lorsque c’est possible.
(4) L’eau du réseau est traitée, ce qui a un coût écologique (consommation d’énergie fossile – boues à traiter et à épandre…).
Les 4 points à retenir
- Fertilisation inutile ou presque
- Pas d’azote grâce aux bactéries fixatrices de l’azote de l’air qui vivent en association dans les nodosités (5) sur ses racines, comme pour toutes les légumineuses. Notez aussi de faibles besoins en potasse et phosphore limitant l’usage d’engrais, ce qui réduit la consommation d’énergies fossiles. Un apport de compost domestique avec un peu de cendre de bois suffit en sol pauvre.
(5) Renflement des racines qui abritent des bactéries utiles, les rhizobiums.
- Enrichissement du sol profitable aux autres plantes pendant et après la culture des lentilles et des pois chiches. La teneur et la biodisponibilité pour l’azote et aussi les autres nutriments présents dans le sol augmentent. Ceux-ci ne sont plus lessivés et entraînés par les eaux de ruissellement ; ils restent accessibles dans la zone des racines et n’engendrent pas de pollution des eaux.
- Développement et diversité de la microfaune du sol augmentés, surtout celle autour des racines (rhizosphère et biofilm bactérien) grâce à la fourniture d’azote qu’il est prudent de compléter par un apport de matière organique (déchets végétaux ou compost). Moyennant ce petit travail, le jardinier stabilisera la microfaune du sol qui a des effets bénéfiques essentiels en biojardinage : mieux décomposer les déchets organiques, limiter le lessivage des éléments minéraux en les retenant à proximité des racines sous des formes minérales ou biologiques adaptées, produire des biostimulants pour des plantes en meilleure santé.
- Bonification de la structure des sols
- Les déchets de récolte (pailles) produits contribuent à la formation d’une structure grumeleuse du sol qui favorise la circulation de l’air, de l’eau et l’installation des racines. Globalement, la décomposition de la matière organique, la rétention et la biodisponibilité des éléments nutritifs, la capacité à retenir l’eau pluviale sont améliorées.
- Exigence en eau réduite
- Ces cultures se contentent de peu et à des moments clés de leur développement uniquement.
- Contribution à la protection sanitaire
- Le pois chiche a la particularité de produire de l’acide malique qui est une substance insectifuge. Ces deux plantes ont un effet positif sur la croissance et la résistance aux maladies de leurs voisines. Évitez cependant de les faire voisiner avec l’ail, l’échalote, l’oignon, les pommes de terre, les tomates, les haricots.
Des lentilles et des pois chiches dans votre potager
Ces deux cultures apprécient des sols très variés qui drainent bien et se réchauffent vite : sols pauvres, sols légers, sablonneux et légèrement calcaires, et les sols argilo-calcaires qui, avec un taux d’humus suffisant, ont une structure aérée et fraîche tout à fait propice pour la lentille.
La lentille préfère des climats plus frais que le pois chiche, elle supporte aussi moins bien les températures basses ; elle est plus adaptée aux zones tempérées offrant un bel été.
Le pois chiche, lui, prospère en climat chaud et sec, plutôt méditerranéen, il craint par-dessus tout les fins de printemps humides.
Réservez à ces plantes une exposition chaude et ensoleillée, et une préparation du sol plus fine pour les petites graines de lentilles.
Bon nombre d’interventions sont identiques pour ces deux plantes :
- Pour l’arrosage, prévoyez juste un petit « mouillage » au moment des semis et de la levée en climat sec et chaud (c’est inutile en climat frais ou doux). Le pois chiche et surtout la lentille valorisent bien un arrosage léger au moment de la floraison, mais c’est sans obligation.
- Les problèmes sanitaires sont réduits. On constate surtout des dégâts liés à l’anthracnose (maladie fongique). À titre préventif : n’installez pas la culture dans un sol riche en azote, ne mouillez pas le feuillage lors des arrosages et traitez 2 à 3 fois le feuillage avec une décoction de prêle.
- Les parasites sur ces cultures sont peu nombreux : bruche surtout, noctuelle, et éventuellement des pucerons. Pour la bruche, les graines à semer comme les graines récoltées seront passées 24 h au congélateur (-18 °C) pour détruire les larves. Pendant la culture, pulvérisez de la décoction de tanaisie assez régulièrement, c’est un bon répulsif ; bien sûr, cessez un peu avant et pendant la floraison. En cas d’infestation, ne compostez pas les déchets de récolte, que ce soit sur place ou en tas ; détruisez-les.
- Au moment des semis et de la levée du pois chiche, certains jardiniers ont eu des déconvenues avec les pigeons, corneilles et autres oiseaux qui mangent la graine germée. Une solution : protégez la zone avec un filet.
La culture de lentilles
Semez en première décade de mars dans la plupart des régions ; le sol doit être ressuyé et assez chaud pour une levée et une installation rapides. La lentille craint les mauvaises herbes, il est donc prudent de réaliser un faux semis avant ou de choisir un endroit propre.
Préparez un lit de semence assez fin : aération avec deux passages croisés de « grelinette » ou d’un équivalent, puis ratissages légers. La graine de lentille est petite, semez peu profond (1 cm), soit en poquets de 2-4 graines en quinconce espacés de 30-40 cm en tous sens, ou bien en ligne espacées de 20 cm ; prévoyez, dans ce cas, une graine tous les 12-15 cm.
Il vous faudra attendre 150 jours environ pour récolter : arrachez les pieds un peu avant la maturité des graines, suspendez-les dans un endroit aéré et frais ; battez les plants secs pour récupérer les lentilles.
Entre le semis et la récolte, le jardinier intervient peu : désherbage et irrigation pendant la floraison s’il fait chaud et sec.
La culture du pois chiche
Le calendrier cultural est variable suivant les régions et surtout les conditions d’humidité au printemps. Cette culture se contente de sols maigres, certes, mais elle valorise bien les sols équilibrés qui ont des teneurs en matière organique, en phosphore et en potasse correctes.
La préparation du sol : pour le pois chiche, ce qui importe, c’est un sol décompacté en profondeur pour permettre à son système racinaire doté d’un pivot de s’installer, il supporte un lit de semence assez grossier ou caillouteux. Les semis peuvent commencer fin février et se poursuivre jusqu’en mai ; plus ils sont précoces, moins la culture risque de souffrir de manque d’eau au moment de la floraison. Dans le Sud, on pratique aussi les semis d’automne lorsque le sol est encore chaud, en septembre-octobre.
Trempez les graines avant le semis, enfouissez les graines à 5 cm de profondeur ; les lignes sont espacées de 40 cm et les pieds de 15 cm sur la ligne. La levée est lente (15 jours environ) ; pour favoriser l’installation des plantes, désherbez régulièrement et buttez sur 10 cm de haut lorsque la plante fait 25-30 cm.
Ensuite, le développement végétatif est assez important et couvrant, et l’entretien se réduit à de la surveillance et à quelques traitements préventifs (voir le paragraphe Les problèmes sanitaires sont réduits).
En France, on cultive le type Kabuli à gros grains blanc-jaune, le choix des variétés est assez réduit. Essayez « Twist » ou encore « Calia » qui est une variété naine et précoce ; à noter que produire ses propres graines est très facile.
La récolte se fait une fois que les gousses sont sèches ; il faut battre les plants après arrachage.
Notez enfin que ces deux plantes constituent d’excellents engrais verts.