Carnet de voyage au Tibet

S’il est un voyage d’où l’on revient changé, bouleversé, émerveillé, c’est bien celui qui conduit au Tibet. À côté des images gravées dans la mémoire, les photos ne parviennent pas à révéler toute la magie des paysages. La rencontre avec ce peuple du bout du monde ouvre une dimension nouvelle dans le coeur qui réapprend l’amour. Comment trouver les mots justes pour vous faire partager l’enchantement d’un tel voyage ?… Mais, je vais essayer.

La lune se lève
Dans le ciel pur de la nuit
Son reflet apparaît
Sur la surface étale du lac
Mais la lune n’est pas dans le lac
N’est-ce pas ?
Sachez qu’il en est ainsi
De tous les phénomènes.”
Poème tibétain de Shabkar

LA ROUTE DU BONHEUR
Le lendemain de notre arrivée, les 4×4 réservés au transport tournent comme des jouets au gré des circonvolutions des cols à franchir. Entre le ciel et la terre, l’espace dévoile une humeur changeante. Tantôt brumeuse qui estompe les contours de la route, parfois limpide et douce comme la caresse des ailes d’un oiseau. La montée jusqu’au firmament occupera la journée. À cinq dans la voiture, c’est un peu fatigant, mais quand enfin les montagnes nous entourent, il semble qu’elles touchent l’immensité du ciel de leurs crêtes dressées, effaçant nos lassitudes.
La splendeur du paysage s’étend à perte de vue dans un calme absolu. Seuls les chevaux de vent que sont les drapeaux de prières amarrés aux stupas et aux chortens (monuments religieux représentant l’esprit saint) battent l’espace doucement ; et le vent du Tibet sait parler aux pèlerins en agitant les tissus de couleur. La nuit favorise les songes par lesquels  l’inconscient s’éveille et visite l’au-delà du temps et des formes. Un passage s’ouvre dans l’opacité du sommeil qui laisse entrevoir la vacuité…
Dans la matinée, la route reprend son ascension vers Jiuzhai Paradise (dans le Kham, Tibet oriental), un site naturel exceptionnel inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Lacs et montagnes sacrés, forêts de sapins et de rhododendrons géants : nous sommes à 4 200 m d’altitude. Des essences végétales rares bordent les cours d’eau limpides et les cascades bondissantes. Pour guider notre traversée, la merveilleuse nature nous offre ses oiseaux bleus aux chants mélodieux. La terre du Tibet est réputée pour engendrer depuis toujours des êtres différents. Est-ce la qualité de l’air ou la situation élevée qui ne laisse plus que quelques marches à franchir pour atteindre le ciel ? Il n’en est pas moins vrai que yogis contemplatifs et grands méditants ont su parvenir au point de non-retour dans les mondes de souffrance par la puissance de leur détermination et par la grâce de leurs prières. Les lieux remplis des bénédictions des saints conservent l’empreinte des déités invoquées, rendues visibles aux regards ordinaires par la splendeur de la nature.

AUX PORTES DU PARADIS… L’ENFER?
Le Tibet regorge d’endroits habités par les dieux, cela n’est en rien difficile à croire tant la beauté qui règne ici côtoie la sérénité. Le respect de la population pour les sites naturels équivaut à celui des traditions. Il n’est nullement question de se baigner dans les eaux turquoise, émeraude et dorées des lacs sacrés. Pas de violation de la faune et de la flore dans les forêts, ni chasse ni pêche, aucune exploitation qui puisse déranger la paix. Mais voilà, il est bien dit que le piège du Samsara (les cycles de la vie et de la mort dans lesquels nous tournons comme de folles toupies) emprisonne le bonheur et ne lui laisse aucun moyen de s’exprimer durablement. Les Chinois sont venus exploiter les ressources du Tibet, dévastant les forêts, exterminant la faune presque totalement. Les léopards des neiges, les tigres et les loutres ont été traqués et vendus pour servir de manteaux ou de descentes de lit. Les cornes des cerfs ou les organes génitaux d’autres animaux sont exploités sur le fructueux marché des produits aphrodisiaques. Les vastes prairies sont dépouillées massivement des herbes et des fleurs médicinales. Est-il encore possible d’entretenir l’espoir d’une renaissance pour le Tibet, alors que plane la menace d’extinction de la langue elle-même, remplacée peu à peu par le chinois ?

VOULOIR Y CROIRE
À l’évidence, la sauvegarde du Tibet relève jusqu’à présent de la volonté éclairée d’un seul homme, Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Déplaçant à sa suite sa communauté en Inde et au Népal depuis 1959, il réussit à dégager l’aide nécessaire à la protection de la culture tibétaine dont l’essence fondamentale est le bouddhisme.
Ainsi, l’extraordinaire organisation mise en place par leur chef spirituel adoucit notablement l’exil des Tibétains. La préservation des principes religieux ancestraux au sein des monastères réimplantés sur la terre d’accueil indienne assure la pérennité des traditions, de l’art et des valeurs qui lui sont rattachés. Et sur les hauts plateaux du Tibet, là où les routes ne peuvent être ni élargies ni bétonnées, les envahisseurs quels qu’ils soient n’auront jamais la possibilité de venir polluer l’espace parce que l’air leur manquera et parce que le silence vaincra les prétentions des conquérants. Puisqu’ils ne prennent pas d’autres armes, reste aux Tibétains d’avoir la force de rassembler et de protéger la puissance invincible de la foi, du courage et de l’intégrité.

EN SAVOIR +
Centre bouddhiste tibétain Detchen Eusel Ling, 12 rue Paul Vaillant Couturier, 94140 Alfortville. www.detchene-eusel-ling.com

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